samedi 24 novembre 2012

Recontre et interview "leguide.be" de 2005

Interview et rencontre du site web leguide.be mis en ligne en octobre 2005

Avec Bertrand, et sans les murs autour ENTRETIEN - PHILIPPE MANCHE, envoyé spécial à Paris
L'ambiance était plutôt détendue, fin de la semaine dernière, dans une brasserie parisienne où l'on retrouvait, non sans déplaisir, le guitariste Serge Teyssot-Gay, le batteur Denis Barthe et le bassiste Jean-Paul Roy. Humbles et dignes, les trois Noir Désir sortent de leur silence radio afin d'évoquer l'occasion de la sortie du double album en public et d'un double DVD.
Difficile de ne pas commencer cet entretien sans vous demander comment vous avez vécu, humainement, ces deux dernières années...
Nous étions au studio en train de travailler sur le mix de l'album quand nous avons reçu un coup de fil nous informant qu'il y avait un accident sur Vilnius. Au départ, c'était un accident. Nous sommes partis séance tenante sans savoir qu'on partait pour deux ans, pour dix-huit mois de n'importe quoi, de choses incompréhensibles, de concassage médiatique énorme. C'était la première fois qu'on était confrontés à une presse dont on s'était tenus éloignés depuis longtemps. On ne leur voulait pas de bien, pas de mal. On ne leur voulait rien.
Nous avons été très clairs dès le départ. Le geste de Bertrand, on ne se l'explique pas, on ne se l'explique toujours pas et on ne le comprend pas. Si à un moment, on a manifesté une très forte solidarité, c'est avec le bonhomme. Pas avec ce qu'il a fait. On n'allait pas, du jour au lendemain, faire comme tout le monde et dire : « C'est incroyable, il a caché son jeu depuis vingt-cinq ans. »
Il y a eu le procès, le jugement, la sentence est tombée, Bertrand l'a acceptée et il est rentré en France pour purger sa peine dans des conditions de détention normales. Il mange au réfectoire avec les autres, il va à la promenade, à la bibliothèque, au foot, au club musique. C'est à ce moment-là qu'on s'est dit qu'on allait reprendre un projet qu'on avait laissé inabouti. C'était la première fois qu'on ne menait pas à terme un projet auquel on tenait. On en a donc parlé tous les quatre, et si tous les quatre on en a envie, on continue. On a trouvé, pour la première fois en deux ans, quelque chose de positif.
Quand on s'est revus à Bruxelles, Serge, lors de votre concert avec le musicien syrien Khaled al-Jaramani, vous rayonniez, parce que vous aviez obtenu l'autorisation du ministère de la Justice de faire écouter les mix à Bertrand. C'était forcément important de l'impliquer dans le processus ?
Comme d'habitude, c'était une démarche de groupe, et si Bertrand n'était pas partant, on n'aurait pas sorti le disque. Lorsqu'on a pu faire écouter les mix à Bertrand, c'était évidemment un passage très émouvant, parce que c'était dans des conditions pas faciles pour nous, mais surtout pour Bertrand. On espère que ça va lui faire du bien, que le disque sera bien reçu par les gens qui aiment notre musique.
Lors de la promo de l'album « Des visages, des figures », vous étiez particulièrement sereins, ce qui est plutôt inhabituel pour vous. Vous aviez le sentiment d'avoir sorti votre meilleur disque ou en tout cas le plus libre et le plus ouvert ?
Le plus libre, parce qu'on arrive à un niveau où on maîtrise notre langage plus que jamais. On a une vraie évolution marquée par le disque, qu'on a cherché à continuer de développer lors des concerts. C'est pour cela qu'on avait envie d'enregistrer la tournée. L'apport de Christophe Perruchi, comme cinquième membre, était important aussi, il nous a conçu un tissu électronique.
Rétrospectivement, c'est la sortie de « One trip one noise », votre album de remix, qui vous a amenés à explorer de nouveaux territoires ?
On s'en est servis parce qu'on s'est inspiré de la version remixée pour « One trip one noise » et pour « Les écorchés » qu'on s'est réappropriée et qu'on a développée à notre façon. Nous étions décomplexés par rapport à la vision qu'on avait de notre musique. Nous étions disposés à une envie d'ouverture.
A l'écoute du live, on se rend compte que si vous tourniez encore maintenant, ce serait un autre album tant on vous sent dans l'impro et la recherche permanente...
Initialement, après avoir terminé les mix du live et d'autres projets, nous souhaitions enregistrer un disque en vingt jours, compositions incluses. On avait envie de se faire un petit brûlot et de se prendre à notre propre contre-pied. Il suffisait que ça nous plaise ou que le challenge soit intéressant.
« Des visages, des figures », avec la chanson « Le grand incendie », est sorti le 11 septembre 2001. Vous en avez discuté entre vous ?
C'est une drôle de coïncidence, on ne peut pas dire que c'est prémonitoire, mais c'est troublant. Au départ, « Le grand incendie » devait être un instrumental. Un dimanche, Bertrand s'est barré à Manhattan et il est revenu le lundi avec le texte écrit au pied du World Trade Center.
Qui sont les nouveaux ou prochains Noir Désir ? Où est la relève ? Chez les Luke, Saez ou Deportivo ?
C'est gratifiant pour nous mais c'est dur pour eux, parce que c'est réducteur d'être étiqueté de copie de Noir Désir. Quand Saez, qui est vraiment inécoutable, dit qu'il n'a jamais écouté Noir Désir, on est mort de rire. Le reste n'est pas si flagrant. Luke mouille son tee-shirt, je respecte vachement.
Est-ce qu'on parle de Noir Désir au présent ?
Bien sûr. S'il y a un futur à Noir Désir, il n'existera pas avant qu'on se soit retrouvés autour d'une table tous les quatre, avec Bertrand et sans les murs autour. Et pouvoir parler de pourquoi Vilnius, d'une suite sous le nom de Noir Désir ou pas, d'un concert, d'un album, d'une tournée, d'un concert unique ou d'une tournée des clubs... Nous n'avons pas rejoué ensemble, tous les trois, parce que, sans Bertrand, il y aurait un gros coup de blues, et ce n'est pas envisageable. Attention, il n'y aura pas de fonds de tiroirs de Noir Désir, de « best of »... Si les morceaux ne sont pas sortis, c'est qu'ils ne passaient pas la barre à l'époque, et c'est toujours le cas aujourd'hui. Mais tout est possible. Oui.
 

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